REPRISE DU LOGEMENT SANS ÉTAT DES LIEUX : CADRE LÉGAL ET CONSÉQUENCES
15/09/2025La fin du bail et la reprise du logement loué par le bailleur se produit lors de la rédaction d'un état des lieux de sortie. Puis le locataire rend les clés au propriétaire et les derniers détails sont régler notamment le retour du dépôt de garantie, entier ou en partie, en fonction des dégâts constatés entre les parties. C'est la situation générale. Mais il arrive parfois qu'il n'y a pas d'état des lieux de sortie et, à ce moment-là, cela devient plus délicat.
Le principe : l’état des lieux, un document obligatoire
L’état des lieux d’entrée et de sortie est un document essentiel dans la relation locative. Il est prévu par l’article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Il doit être établi contradictoirement, c’est-à-dire en présence ou après convocation des deux parties (bailleur et locataire), et joint au contrat de location.
L’absence d’état des lieux de sortie rend la preuve de l’état du logement particulièrement délicate.
Le texte prévoit que :
« Si l’état des lieux de sortie n’est pas établi contradictoirement, le logement est présumé avoir été rendu en bon état, sauf preuve contraire apportée par le bailleur. »
Autrement dit, le doute profite au locataire, et il appartient au bailleur d’apporter la preuve d’éventuelles dégradations.
Le départ du locataire sans état des lieux : que faire ?
Si un locataire quitte le logement sans prévenir ou sans être présent au rendez-vous de l’état des lieux de sortie, le bailleur doit agir avec prudence afin de sécuriser juridiquement la reprise des lieux.
Les étapes recommandées sont les suivantes :
* Faire constater l’abandon du logement si le locataire est parti sans remettre les clés ni résilier formellement le bail ;
* Saisir un commissaire de justice pour dresser un constat d’abandon ou un procès-verbal de reprise ;
* Informer le locataire par lettre recommandée avec accusé de réception avant toute reprise, conformément à la procédure d’abandon prévue à l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 (issue de la loi ALUR).
Le décret n° 2016-382 du 30 mars 2016 fixe la procédure détaillée que doit suivre le bailleur pour récupérer le logement laissé vacant.
La procédure légale de reprise pour logement abandonné
Selon l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, lorsqu’il existe des indices laissant présumer que le logement est abandonné, le bailleur peut saisir un commissaire de justice (ancien huissier) pour constater la vacance.
Le commissaire de justice :
* tente d’entrer dans le logement,
* constate la vacance ou l’abandon du mobilier,
* dresse un procès-verbal de constat,
* et notifie au locataire la procédure engagée.
Si le locataire ne réagit pas sous un délai d’un mois, le bailleur peut saisir le juge des contentieux de la protection pour faire constater la résiliation du bail et autoriser la reprise du logement (article 14-1, alinéa 3).
Cette étape est indispensable : toute reprise unilatérale sans décision judiciaire expose le bailleur à des poursuites pour voie de fait (violation de domicile, article 226-4 du Code pénal).
L’absence d’état des lieux : quelles conséquences ?
Si le locataire est parti sans état des lieux, le logement est présumé rendu en bon état, comme le prévoit l’article 1731 du Code civil :
« S’il n’a point été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçues en bon état de réparations locatives et doit les rendre telles, sauf la preuve contraire. »
Si seul l’état des lieux de sortie manque, c’est le bailleur qui doit prouver que des dégradations ont été causées.
Exemples de preuve recevable : constat d’huissier établi après le départ, photographies datées, témoignages, devis et factures de remise en état.
La restitution du dépôt de garantie
Sans état des lieux de sortie, le bailleur doit restituer le dépôt de garantie dans le délai d’un mois (article 22 de la loi du 6 juillet 1989).
Il ne peut retenir une partie du dépôt que s’il prouve les dégradations ou impayés.
À défaut de justification, le locataire peut exiger une majoration de 10 % du loyer mensuel par mois de retard (article 22, alinéa 7).
En résumé : les bons réflexes pour le bailleur
| Étape | Action recommandée | Référence |
|---|---|---|
| Départ du locataire sans état des lieux | Tenter un rendez-vous contradictoire ou le faire constater par huissier | Loi 89-462 art. 3-2 |
| Soupçon d’abandon du logement | Faire constater l’abandon par commissaire de justice | Loi 89-462 art. 14-1 |
| Après un mois sans réponse | Saisir le juge des contentieux pour résiliation et reprise | Décret 2016-382 du 30 mars 2016 |
| Restitution du dépôt | Dans le mois suivant la remise des clés | Loi 89-462 art. 22 |
| Preuves de dégradation | Photos, devis, constat, témoignages |
En conclusion, reprendre un logement après le départ d’un locataire sans état des lieux demande une prudence absolue. Sans procédure officielle ni preuve, le bailleur risque :
* une présomption de restitution en bon état,
* la perte du droit de retenir le dépôt de garantie,
* voire une condamnation pour reprise illicite du bien.
Le commissaire de justice est donc le garant de la légalité de la reprise, et ses constats constituent la meilleure protection juridique du bailleur.